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Les assemblages improbables de Frunobulax

04/02/2021

 

Misère : description et obsession.

Deux passages différents de deux auteurs sur le thème de la misère.

 

Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline.

Bardamu est soigné à l’hôpital de Bicêtre, qui héberge aussi des vieillards…

 

Autour de nos salles réservées venaient trotter les vieillards de l’hospice d’à côté en bonds inutiles et disjoints. Ils s’en allaient crachoter leurs cancans avec leurs caries d’une salle à l’autre, porteurs de petits bouts de ragots et médisances éculées. Ici cloîtrés dans leur misère officielle comme au fond d’un enclos baveux, les vieux travailleurs broutaient toute la fiente qui dépose autour des âmes à l’issue des longues années de servitude. Haines impuissantes, rancies dans l’oisiveté pisseuse des salles communes. Ils ne se servaient de leurs ultimes et chevrotantes énergies que pour se nuire encore un petit peu et se détruire dans ce qui leur restait de plaisir et de souffle.

 

Les carnets de Malte Laurids Brigge, Rainer Maria Rilke.

Déambulation rue Racine à Paris.

 

Car il est clair pour moi que ce sont là des réprouvés, et non pas seulement des mendiants, il faut distinguer. Ce sont des déchets, des épluchures d’êtres humains que le destin a recrachées. Encore humides de sa salive ils sont collés à un mur, à un lampadaire, à une colonne Morris, ou ils ruissellent vers le bas de la rue en laissant derrière eux une trace sombre et malpropre. Que pouvait donc me vouloir cette vieille qui était sortie de je ne sais quel trou avec un tiroir de table de nuit où roulaient quelques boutons et quelques aiguilles ? Pourquoi s’obstinait-elle à marcher à côté de moi en m’observant ? Comme si elle essayait de me reconnaitre de ses yeux chassieux dont on eut dit qu’un malade avait craché ses glaires verdâtres entre leurs paupières sanguinolentes.

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